Je regarde ma douceur, comme on pourrait tenir une boule de verre entre ses mains, une sphère légèrement irisée, que j’imagine un peu troublée – la myopie a ses délicatesses. Et sentant ma douceur se former, en imaginant cette bulle de douceur monter et m’envahir, je la vois avec ma colère – il n’y a qu’une lettre de la douleur à la douceur. Difficile d’oublier que ce qu’on demande de douceur à la colère que l’on tait et que l’on fait oublier, comme si c’était de cette douceur que viendrait l’oubli de cette colère – et que, transformée en douceur, cette colère aurait seulement là le droit d’exister, en la transformant.
Je tiens entre mes doigts ma douceur, comme une balle dans mon camp, dans une guerre que je dois taire. Sois douce, qu’on m’a dit, et surtout pas en colère – et je commence à comprendre que la douceur est de la colère convertie, sans savoir pour qui ou pour quoi je dois la transformer, entre mes mains imaginaires et mon cœur bien réel, et si c’est pour moi ou contre moi que doit s’opérer cette alchimie devant laquelle je recule, à tout petits bonds.