Et je l’ai mouché.

On savait que ce serait le dernier soir, et déjà tout le monde pleurait dans l’école – le lendemain, on fermait les sacs à dos et à bandoulière, tout le monde dans les trains. L’effervescence des couloirs, comme une grande boum qui s’éternisait – et nous deux, de retour dans sa chambre, mon sac déjà lourd, déjà prêt dans la mienne.

Restait deux trois bricoles, des mots échangés – lui n’a rien pris de ce que je lui donnais, seulement l’intangible, le reste laisserait des traces malcommodes. Quelques mots dans un de mes carnets, un numéro de téléphone que j’ai mal recopié, deux photos imprimées à la va-vite, et mon linge sale, de celui qu’on met des années à déballer en famille.

Je ne sais plus tellement ce qui s’est passé dans cette nuit, qui ressemblait aux sensations des autres, avec ma tristesse insondable par-dessus que je repoussais, comme lui je n’avais pas su – et, avant elle, dans ce crépuscule de la mémoire, lui, bêtement assis sur sa chaise, moi, debout à son côté, un de ces tableaux flamands où tout semble figé dans une idiote domesticité, ses larmes coulant à gros sanglots, son désespoir en pensant à son amie, juste le nom d’une ombre, et sa certitude d’être, sinon le diable, du moins diabolique – point trop d’orgueil.

Et moi, d’une main que je ne me connaissais pas, j’ai regardé ce visage rouge et grimaçant, et je l’ai mouché.

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