Des temps sombres.

Ça avait été des temps sombres. Les incendies donnaient des atmosphères crépusculaires : ça vivait pourtant, tant bien que mal. Ils avaient continué à manifester, certaines en se lançant dans des luttes nouvelles, qui les faisaient renouer avec les vieilles traditions du sabotage et des explosifs – elles avaient été rapidement arrêtées et exécutées.

Il avait semblé qu’il ne se passait rien, et que rien ne pourrait jamais plus se produire. S. avait cessé d’attendre quoi que ce soit pour se restreindre à ce qu’elle pouvait – de moins en moins. L’arrivée des garçons avait fait comme des éclairs dans une nuit tombée sur elle, sur tous, une épaisseur qui les entourait. L’air râpait, par les fumées déversées, et elle n’avait de toute façon pas de quoi payer les primes de féminité quand elles furent mises en place, ni de raison de le faire. Ses grossesses l’avaient jetée dehors, d’un rendez-vous à l’autre. Elle aurait cru aimer ses escapades, garanties par dérogation et remboursées par l’état nataliste ; elle avait plutôt découvert une hostilité accrue, et sa peur, sa propre peur qui l’entravait à chacune de ses sorties. Elle avait marché aussi vite que son gros ventre le lui avait permis, avant de gagner le droit de grimper dans un des taxis collectifs réquisitionnés spécialement pour ramener les enceintes jusqu’aux centres de maternité. Ça cahotait, elles osaient à peine parler, s’entendaient de toute façon à peine. Un jour, une autre femme lui avait glissé un mot dans la main, qu’elle avait gardée serrée dans la sienne, longtemps, en plantant son regard dans le sien. Elle n’avait pas réussi à lire les lettres griffonnées, sans rien comprendre – elle avait jeté le papier.

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