La porte ne s’ouvrait pas. Elle fit quelques pas en arrière, revint: le passage d’une dame avec un gros chariot encore vide lui permit de se faufiler, avant même qu’elle pût la voir. Le chariot la surprit en la dépassant: elle fit un petit bond, se ressaisit, et rejoignit lestement les allées.
En s’avançant, elle pestait doucement sur ces machines qui, un coup ne s’ouvraient pas, un autre s’abattaient sur vous sans prévenir, et se permettaient de la molester comme elle ne l’aurait laissé faire à personne. Elle revenait maintenant sur ses pas, en espérant que la démonstratrice de fromages lui tendrait une des tartines de démonstration qu’elle offrait à des mains avides sorties de la foule compacte, finit par s’approcher pour subtiliser d’elle-même une de ces offrandes, comme un chat gourmand – et bien puni par la fadeur du larcin. Elle poursuivit ses courses, ne retrouvant rien dans les rayons tout chamboulés, glissant quelques objets dans son filet hors d’âge, avant de rejoindre une des caisses automatiques, sans personne pour vous juger ni pour vous aider. Sa boîte de thon et celle de maïs ne furent jamais détectés par le scanner, qu’elle maniait maladroitement ; les numéros tapés à la hâte ne furent jamais les bons, ou n’étaient pas reconnus; tout s’agitait autour d’elle comme si elle n’était pas là. Découragée, elle finit par glisser une boîte dans chacune de ses poches, traverser la clientèle avec son filet vite, et quitter le supermarché, protégée par son étrange invisibilité.
Une fois dehors, le soleil la surprit, et elle s’avança dans la ville, sans voir son ombre sous le soleil éclatant.