Au loin, c’était une autre vie dont elles n’avaient que des échos lointains, comme un ressac qui les dirigeait sans qu’elles puissent l’atteindre. Le gouvernement n’avait pas osé quitter complètement le rivage, par crainte sans doute de paraître hors-sol, et ses membres se voyaient imposer de fréquents séjours sur place. C’était de toute façon réservé à de très riches, souvent très vieux, qui ne faisaient pratiquement plus escale dans les ports, et qui étaient abrités, quand ils étaient poussés par le manque, par la militarisation des quais et des quartiers alentours, parfois de la ville dans son ensemble. De toute façon, la plupart étaient maintenant équipés directement en mer, et c’était ces bateaux qu’il s’agissait d’atteindre, plutôt que les rivages d’autres pays.
Les décisions les plus importantes semblaient s’y dérouler, mais pour le reste, c’était un genre d’intérim, et un grand démerde-toi, assaisonné à la sauce grand capitalisme, qui les régentait autant que le réseau et le développement des applis le permettait. Qu’importe, elles filoutaient, en songeant à la mer lointaine et maintenant absolument inaccessible, tant ses bords même étaient maintenant propriété des quelques compagnies qui se partageaient les océans.
C’était là qu’étaient partis les riches, en attendant la suite, que d’autres préparaient pour eux[1]. Ils décidaient de ce qui les arrangeait, et de ce qu’il leur fallait pour leur grande croisière ininterrompue. Pour le reste, c’était la galère.
[1] La suite s’annonçait plus éloignée, et rappelle que nous sommes les lointains descendants de ces courageux navigateurs, qui ont su affronter l’exil au sein même de leur propre planète en déroute.