Chantier littéraire, ouverture.

On ouvre le chantier littéraire, littéralement, dans tous les sens et en quatre par trois – ce qui arrive pour cause de vacances impromptues. D’où on ressort aussi les règles qui clôturaient, en janvier, l’atelier d’écriture de François Bon, les miennes ici par souvenir:

1- Toujours garder du temps pour l’écriture, la véritable, celle qui peut avoir des délais, mais l’autre temporalité.

2- Ils vivent: qui les écoute, si ce n’est toi ?

3- Et toi, qui t’écouteras, si tu ne parles à personne ?

4- Note-le. Maintenant.

5- Réécris-le. Tous les jours.

6- N’arrête pas. Ou alors: longtemps.

7- Recycle. Surtout quand tu as des choses nouvelles à écrire.

8- Aime-les, et déteste-les. En même temps ! Parce qu’ils sont tout un chacun, mais à la loupe.

9- Il se passe des choses. Déterre-les.

10- Raconte ce qui se passe quand tout s’arrête – et le bruit que ça fait.

11- Mange. Et fais-les manger, qu’ils se nourrissent: ils sont tout maigres.

12- Détache-toi. Pour eux, pour toi, et pour que tout soit propre à chacun.

13- Recommence.

On me fait ajouter 14- Prends soin de toi (pour une fois ?)

Eauconomie.

S. regardait, sans trop les voir, comment les objets de la vaisselle lui passaient entre les mains, toujours avec ce souci constant de l’économie d’eau – tenir la prochaine pénurie. Une assiette dans un sens, dans l’autre, chaque goutte contrôlée par la retenue de ses mouvements, jusqu’au seau et ses différents filtres – tout se récupèrerait, le savon l’eau à nouveau disjoints, le dépôt au fond, la décantation une fois achevée, serait à gratter et lui partirait aux ordures, celles que l’on gardait, pour qui avait la place, le temps d’attendre l’hiver glacial et le temps où refleurissaient, comme ce n’était plus arrivé depuis un siècle, des cheminées à l’improviste et des volutes insoupçonnés. Elle gardait le souci de la moindre goutte, chaque ajout dans le circuit pénalisant leur petit foyer – le compteur était en surveillance synchronisée, et rapidement coupé, elle n’était qu’échelon Ocre, dans cet arc-en-ciel qui classait les foyers d’abord par leur aisance (il fallait payer pour grimper) et par leur statut – sans homme ici, ses garçons trop petits pour compter encore, elle passait après, dans les circuits de distribution comme pour tout. Alors c’était la débrouille, pour maintenir actifs les tuyaux brûlants (et combien on perdait par la chaleur de la terre qui évaporait l’eau à peine arrivée), les tempérer, et ajouter aussi peu que nécessaire dans le circuit aux multiples strates du foyer. Quelques voisines parvenaient à revendre un peu de leur eau usée, en stade trois ou quatre: elle avait dû renoncer à cette possibilité, les petits avaient soif, et devaient manger dans une vaisselle propre.

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Deux ans, un mois.

12h34. Ça l’aurait amusé, comme les palindromes du compteur de sa voiture qu’il photographiait, les aptonymes et les contrepèteries, et la mousse au chocolat que je prends souvent comme si, de la commander, c’était lui qui la mangeait – alors que c’est mes hanches qui l’accueillent. Je ne réalise toujours pas comment grand je l’ai aimé et je l’aime – et la vitesse des deux années passées.

Je ne comprends toujours pas, je n’accepte ni ne négocie – on ne conçoit rien, on vit qu’à demi et malgré nous, et quand même pas si mal: sans papa depuis deux ans, sans clopes depuis un mois – faut dire que je lui avais promis – et on reprend du dessert.

Votre ennui.

Et c’est encore votre ennui qui étouffe même la peur que vous nous inculquez. Votre similarité, vos menaces toutes les mêmes, à peine un peu de fantaisie, pour les plus vicieux, dans ce que vous cherchez à nous infliger.

Votre ennui si immense, la répétition toujours du même dans des arias outragés, la vacuité même de vos colères – petit ego en milliers d’exemplaires, tous la même fragilité exacerbée, aux mêmes étapes de ce que vous osez appeler conversation. Alors que rien ne ressemble plus à vous que l’autre qui a déjà fait pareil, ou le même qui tentera demain. Vous vous tenez dans la longue file des michetons, à pleurer votre mère dont vous avez jamais su retenir le prénom, à attendre le même câlin avant vos mesures, si persuadé d’être unique que vous ne regardez même pas le voisin tout tremblant pareil.

Votre ennui, ce que vous lâchez sur le monde de fatigue, de lassitude, de fatigue, de tout et toujours et encore – et vos vexations réitérées, quand le simple refus de nous laisser exploiter déchaîne une violence que vous osez revendiquer comme légitime.