Un mercredi midi, par mois.

C’est arrivé sans m’y attendre, comme il y aura bientôt deux ans, sur un temps aussi beau et qui ne devait pas tourner, comme a tourné l’horloge, et comme le calendrier s’épluche. On mange des légumes, un de ces mercredis où on ne reçoit plus Le Canard, celui glissé sous son bras froid, la dernière fois que je l’ai vu, de face, si fixement qu’on ne voit ni ne sent le souvenir qui se fragmente et diffracte – Le Canard de la semaine de sa mort, en faisant marrer le croque-mort tout attentionné, d’une blague quelconque juste pour m’excuser d’être là, et d’encore gêner.

On les a toujours craintes, les alarmes – triste privilège des familles EDF, qui savent que les alertes peuvent signifier la catastrophe, et qu’on s’y prépare en la répétant pour l’atténuer – et, cette fois, l’alarme est arrivée trop tard, ensevelir de la catastrophe simulée celle qu’on n’a pas fini de mesurer – la mort de Papa, un mercredi 7, de presque début d’été, deux ans dans un mois.

Y a un bras que je me laisserais couper pour juste le revoir, mais avec mon air con et ma vue basse, ma tête baissée comme le coureur, pas sûre que ce soit une affaire rentable, comme les tables qui, en tournant, rembobinent les fils du deuil.

Ce n’est pas le chagrin qui s’atténue – c’est qu’il se révèle moins souvent. Il se planque, de mieux en mieux, dans les chausse-trappes de la mémoire, loutre oublieuse et toujours là, du genre à, d’un main sur mon mollet, voir ce que fait l’eau dans mes poumons entre deux hoquets – des larmes sur des simulacres, quand on égrène l’impensable.