Au travail !

Bien amusante, cette image, et elle nous dit beaucoup de ce qui fait le lit de la colère enseignante et parentale – école sur la base du volontariat, à rebours du modèle italien et à l’encontre des recommandations des scientifiques, et fin du chômage partiel pour qui pourrait faire garder ses enfants et refuserait de les laisser, dans les prochaines semaines, dans une école potentiellement contaminante. Les rentrées progressives par classes d’âge vont aussi dans le sens d’une décision dictée par le MEDEF: ce sont bien ceux et celles qui ne peuvent se garder seul·es qui seront les premiers en classe.
Je crois pourtant que l’invocation du MEDEF est ici un peu courte: les plus jeunes sont aussi ceux et celles pour lesquel·les l’école à distance est la plus difficile, quand elle n’est pas simplement impossible. La décision a un intérêt économique évident, mais elle rejoint plus largement quelque chose de moins dicible, et de plus intangible: ce n’est pas l’économie qui prédomine (quels seront exactement les coûts des réouvertures, des désinfections et des réaménagements ? qui les paiera ?), mais une idéologie, si présente qu’elle en est invisible: celle du travail. Il ne s’agit pas seulement de sauver le pays, mais de ne surtout pas lui donner le goût de l’otium et du loisir – et la désapprobation est si générale qu’elle se traduit dans l’affichage des quelques promeneurs ou la régulation des joggeurs. L’émission d’Ouvrez les guillemets, cette semaine Usul et Laelia Veron, était à cet égard parlante: il semblait là aussi impossible de rappeler que le travail n’est pas un épanouissement, mais une aliénation et une spoliation, et que l’héroïsme demandé aux soignantes et aux couturières discipline et transforme quelques traits de goût et de caractère, parfois un hobby, toujours des métiers, en une vocation sacrificielle qui passe par l’exploitation — le travail gratuit, voire à perte. La possibilité de ne pas travailler, de profiter d’un relâchement (bien illusoire et lointain pour la plupart, mais qui agit comme un spectre de possibles) est niée sans même être évoquée: les diatribes de Bruno Le Maire sur les 38h/semaine qui nous attendent, et qui constituent pourtant déjà le travail effectivement réalisé chaque en France – il faudrait donc aller au-delà ! – sonnent comme un avertissement et une menace: tu continueras à gagner ton pain à la sueur de ton front – et tu accoucheras encore dans la douleur.
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Réveil difficile

Réveil difficile dans une matinée placée sous les auspices d’une météo peu clémente – mon anémomètre s’agite sous les bourrasques de vent, j’en ferai le relevé plus tard. La lente montée de l’eau dans le café en poudre me rappelle un alambic – la pince du café a disparu, engloutie par le désordre de la veille – et de l’avant-veille, et des jours précédents – laissés sur la table. Le café achevé, j’en entame la décantation dans une longue attente mâtinée de torpeur, à peine éclairée par l’ampoule intermittente du frigo laissé entr’ouvert.

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