M. passait des heures à scruter la carte. Il était fasciné par les petits points qui bougeaient, et encore plus par ceux qui restaient immobiles – pourquoi payer pour une appsur pour ne pas sortir ? Il finit par se rappeler que les conditions d’abonnement imposaient une connexion permanente, même pour les paiements à la sortie.
Il commença à faire des fiches sur les noms qui l’entouraient. Il ne savait pas s’il était surpris de voir autant, ou si peu de femmes autour de lui : très peu d’hommes avaient des appsurs, et uniquement pour les grands trajets, ou les expéditions. Il découvrit à côté de lui un nom mystérieux, aux sorties rares – il espérait tomber un jour sur l’une d’elles, pour provoquer une rencontre.
Il continuait de chercher L. Il savait que c’était à peu près inutile : son appsur avait arrêté d’émettre dans la journée de sa disparition, sans qu’il puisse savoir si c’était pour lui échapper, ou parce qu’elle aurait été déconnectée malgré elle. La police l’avait appelé quand son téléphone avait été retrouvé : c’était dur, de voir ce petit bout d’elle sans elle, mais il n’était pas plus avancé.
C’était peut-être pour cela qu’il passait autant de temps avec la carte. Les points rouges qu’il voyait lui devinrent familiers ; il finit par avoir l’impression d’en connaître quelques-unes, dans les plus proches. Il s’amusait parfois tout seul de son harem, et se prit surtout d’affection pour la petite solitude, qui restait quelque part dans son immeuble. La localisation n’était pas assez précise pour retrouver un étage, mais il se prit un jour à parcourir les couloirs, puis la cave – c’est là qu’il trouva, brancha sur une vieille prise capricieuse, un téléphone, qu’il embarqua pour vérification. C’était un appareil qu’il n’avait jamais vu, vide à l’exception de l’appsûr– cette fois, c’était certain, des femmes disparaissaient, et ce n’étaient pas des accidents.
Il ne pleura pas, de retour chez lui, sur la perte de l’amour déjà rêvé de cette voisine imaginaire, et probablement loin. Il savait juste qu’il lui fallait retrouver L.