Le féminisme est une révolution épistémologique

Ce n’est pas compter les coups qui est difficile, c’est penser que les femmes sont du monde qui compte.

(« Violences contre les femmes », [1997], in Un universalisme si particulier, 2010, p. 217)

Il est courant d’opposer militantisme et recherche scientifique. Ces deux champs de l’activité humaine s’excluraient ainsi mutuellement : une démarche scientifique serait neutre, et donc a-partisane, quand le militantisme, idéologique par définition, serait un point de vue fondamentalement a-scientifique, voire anti-scientifique. Une telle affirmation repose explicitement sur une croyance en une neutralité de la science, croyance qui en est bien une, et qui ne repose sur aucun fondement bien sérieux. Si le positivisme et le scientisme ont particulièrement répandu ces vœux pieux, ils n’en ont pas moins été exempts de critiques dès leur apparition au XIXe siècle, notamment chez Feyerabend. Mais c’est le féminisme dit de la seconde vague qui, dans les années 1970, étend et entérine la mort de la neutralité de la science : le féminisme a voulu et opéré une révolution épistémologique majeure, que l’on peut, pour le cas de la France, retracer rapidement dans les travaux de la scientifique féministe Christine Delphy. Lire la suite