Les cafards.

Iris se réveillait d’une nuit de cauchemars. Elle se leva avec dans les jambes l’inertie de ses horreurs nocturnes, la sensation d’une course vaine, à l’issue contrecarrée in extremis par sa terreur. Elle avait, c’était un comble, des fourmis dans les jambes ; elle entendait parfois Joséphine le dire, et elle ne comprenait que de loin ce que disait sa grand-mère, en parlant de ses fourmis qu’elle peinait à s’imaginer.

Les insectes aussi avaient disparu. Elle avait vu un documentaire, quand elle était encore chez ses parents, qui racontait la disparition de ces bestioles. C’était rare qu’elle pense aux animaux, et plus rare encore qu’elle en imagine d’autres que les peluches que l’on trouvait encore dans les vide-greniers ou les puces. Elle restait souvent songeuse devant ces effigies d’un bestiaire disparu, autant de simulacres pour seule existence.

Elle n’avait pas les moyens d’un billet pour aller voir les holimals, encore moins la possibilité d’accéder à un de ces cabinets de curiosités hors de prix plein d’animaux empaillés. C’était un monde qui se dérobait à sa génération, aux suivantes, à toutes ce qui survivait encore.

Iris sortit sous le soleil déjà de plomb, prépara son vélo. Le goudron sous ses pieds fondait, se mêlait par la blessure qu’infligeaient ses sursemelles. Avant de l’enfourcher, son regard fut attiré par les éboulements miniatures entre les roues et ses chaussures – elle cria en voyant des cailloux, tout noirs, remonter. Elle se pencha pour voir, sans les reconnaître puisqu’elle n’en avait jamais vu, les cafards, ces éternels survivants de toutes les catastrophes.

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