Le corps de la pauvre folle.

En bas dans la rue, y avait comme une ombre qui ne bougeait plus. S. se pencha par la fenêtre ; il fallait qu’elle sache ce que c’était, cette ombre qui s’était arrêtée.

Elle voyait mal, et elle aurait préféré ne pas le voir, le corps de la pauvre folle, tout disloqué. Elle l’avait vue qui marchait, parce qu’elle marchait toujours, la pauvre folle, en parlant, seule, comme si elle s’adressait au monde, à elle, à son passé, comme si c’était possible de l’entendre, ou vivable. Elle était de ces ombres auxquelles S. s’était habituée, de ces pauvres hères chassés de partout, mus par la faim, la chaleur et une chasse perpétuelle qui les ôtait de partout. Elle ne marchait plus, elle ne marcherait plus, la pauvre folle. S. était trop loin pour voir ce qui l’avait achevée, mais la chose était sûre, attendue même depuis des mois qu’elle la voyait qui passait, comme un fantôme bavard, aveugle à tout.

S. ne comprit pas tout de suite ce qui lui semblait si étrange, dans la silhouette immobile de la pauvre folle — c’était son silence.

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