Des lieux à elleux.

La vie était paisible, dans l’impasse – moins aux alentours. Iris regardait les mômes grandir, et les questions qui s’accumulaient et les courses dans tout l’immeuble. C’était une des vieilles qui commença à leur faire la classe, malgré quelques grognements. Les filles ramassaient déjà des livres dans toute la ville, pour finir le tri sur place : un tas pour l’isolation et le combustible, un autre pour les bibliothèques. Elles rassemblaient ce qu’elles trouvaient, comme un grand centre de tri, pour le quotidien, le superflu et les puces. Pour les mômes, elles avaient annexé, jouxtant le fond de l’impasse, une vieille école. Iris se souvenait des premières nuits qu’elle avait passé dans une de ces bâtisses bas de gamme, bâties à la hâte un demi-siècle auparavant, délaissées d’abord par les politiques publiques, puis désertées par manque de gosses, de profs et de liberté. Les rares enfants qui restaient vivaient enfermés dans les immeubles, à l’abri des regards et des tentations – ça risquait gros, un môme sans défense, à l’époque où il n’en naissait plus.

Les petits aimaient leur salle de classe – ils n’étaient pas assez nombreux pour qu’on en ouvre davantage. La vieille avait besoin de temps à autre de retrouver un tableau, un cérémonial qui les amusaient, mais c’était d’abord leur lieu, la pièce à elleux, pour leurs affaires et leurs bricolages. Les cours étaient comme de grandes histoires, avec des jeux parfois pénibles – et de grandes sessions de bricolage ou en haut, dans les serres et sur les toits. C’était pas exactement une école buissonnière, ni la sévérité passée : qu’apprendre quand tout s’effondrait ? c’était l’école de la vie, et des leçons de l’art de la joie.

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