Une rue, une place.

C’est une rue, c’est une place, et c’est toute l’enfance, ma vie de plus si jeune adulte, qui passe, quand c’est François Hadji-Lazaro qu’on perd, comme ça, un dimanche matin qu’aurait pu être de gueule de bois. Alors, elle boit du café, pour penser à tout ça, à Pigalle dans sa vie, avec Papa-Môman-Frérot et les punks qui faisaient rire et un peu peur, dans un concert à Quimper, pas tout à fait son premier, mais presque – elle avait huit ans, c’était encore le sillage des Regards affligés sur la morne et pitoyable existence de Benjamin Tremblay, personnage falot mais ô combien attachant, nous, on découvrait, Pigalle pour les parents, c’était l’illus de l’immense Tardi et les Garçons Bouchers, c’est devenu un de nos albums de bagnole, nos chansons de l’autoroute et du bitume, pour notre famille de banlieue un peu rock un peu tranquille, le rock des darons, le blues à la Papa et la chanson de Maman.

On a continué à prendre la route et les CD, à graver ceux de la médiathèque et choper les récents, avec la surprise de presque entendre Topor, Panique encore à la maison, et nous de rigoler de Scato et de l’étrangeté passée en musique du dessin, des textes du Roland, et tous les deux dessus. Nous, la lambada, on n’aime pas ça, mais on a fait les idiots dans la cuisine et la bagnole, Pigalle, c’est notre tourbillon à nous, en ayant raté des albums, d’autres rayés de trop les passer, un égoutier dans La Cité des enfants perdus, une affiche décollée à la fin des années 2000 après un concert à Bordeaux et toujours dans ma piaule, et de la nostalgie à la demande. C’est encore en famille qu’on l’a revu, Hadji-Lazaro, je l’avais raté à Luxey, sont passés à Bègles, comme on a vu l’année d’avant ou encore une autre Marcel et son orchestre, aussi dans notre playlist de fous du bitume. avec le groupe refait, le tourniquet pour les instrus, les keupons aux premiers rangs – moi, juste à côté du pogo, rivée à la barrière.

Y a pas eu un concert annoncé et raté, si je pouvais, à chaque fois j’ai pris ma place mes docks et ma bière, à attendre la clarinette qui lance le bousin, à traîner ensuite en espérant une dédicace, que j’ai eue, une fois, émue d’avoir été la gamine en vacances en Bretagne qui découvre la chanson française qui vrille en punk, la sueur de son front contre le mien, qui s’est un peu foutu de ma gueule de fan et ça m’a fait marrer – y avait de quoi.

J’ai jamais pu m’en jeter une ou acheter des clopes rue des Martyrs, pas faute d’y passer en sifflotant toujours mal. La tristesse du concert qui s’achève, dans le noir d’une salle qui pue la sueur, c’est déjà la nostalgie de Pigalle qui a fait l’arrière-plan de toutes les obsèques, parce que les dernières fois reprennent les premières, et c’est ça que je voudrais qu’on passe aux miennes, pour les souvenirs que la chanson trimballe, comme les sacs qu’on ne vide pas, le paletot troué par le chagrin, et la musique qui retentit – encore une fois, dans le cimetière de Bourgueil, pour descendre les cendres du daron avec la nostalgie qu’il y a toujours entre les notes et dans le rauque du timbre d’Hadji-Lazaro, et ça l’aurait fait marrer, un chaland pour le treuil improvisé de gars à la tronche de dézingueur.

Si on m’avait dit, j’aurais mieux pas, et c’est ça que chante Hadji-Lazaro; la tête contre les murs, la fêlure et l’impossible, le sordide et la remontée, la saloperie et la misère, l’amour en vain et l’amour forain, le pas-là et le déjà-fini, la fête avinée et la mélancolie d’être ailleurs – et que ça peut, aussi, être un petit paradis, et que ça fiche la patate, même si rien ne sera plus comme avant.

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